Par cette chaude et ensoleillée journée d’été, sur l’Acropole,
ce n’était pas la majesté des bâtiments -Parthénon, Calchothèque ou
Erechthéion- qui attirait l’œil. Non, c’était ce jeune citoyen à la
peau brunie au soleil et aux yeux d’un vert éclatant. Il semblait
émaner de lui comme une aura. On le disait béni des dieux. Ses yeux,
il les tournait d’ailleurs vers un cap, qui n’était pas visible
d’ici. Plongé dans ses pensées, il n’accordait aucune attention à
l’activité fourmillante des prêtres. [/i]
J’ai toujours senti, au plus profond de mon cœur, que je n’étais pas
comme les autres. Comme promis à un destin exceptionnel. Pourtant,
ni par mes origines, ni par la richesse de ma famille, rien ne
semblait me prédestiner à quoique se soit d’important. J’appartenais
à une famille, certes ancienne, mais qui s’est appauvrie avec le
temps. Notre propriété, près d’Athènes, se résumait à quelques
hectares où poussaient quelques oliviers et où broutaient quelques
troupeaux de chèvres.
C’est vers l’âge de dix ans que tout commença à changer. Chaque
nuit, je me mis à rêver. J’étais sur un bateau, peut-être bien une
trirème. J’étais entouré de soldats qui s’affrontaient, d’après les
couleurs, des athéniens étaient opposés à des Spartiates. Et puis,
gravement blessé, je chus dans l’eau. Emporté dans les abysses, ma
vision s’embrouillait au fur et à mesure que l’eau s’infiltrait dans
mes poumons. C’est à ce moment que je me réveillais en sueur,
n’arrivant souvent pas à retenir un cri.
Après quelques semaines, mon père pris la décision de consulter la
Pythie. Un long voyage nous mena jusqu’à Delphes, la cité d’Apollon.
Là, l’Oracle nous fit comprendre qu’il s’agissait d’une vision de
mon futur et que rien ne pourrait l’empêcher d’arriver. Mon père fut
désolé et je dus apprendre à partir de ce jour à vivre avec
l’inéluctabilité de ma fin.
Quelques années plus tard, je fus intégré dans l’armée athénienne,
alors en conflit avec Corinthe. Rapidement mes talents martiaux et
mon intelligence dans l’art de la guerre me permis d’atteindre le
grade d’officier et de commander un bâtiment. Peu après avoir signé
un traité avec Corinthe, c’est avec Sparte qu’Athènes eut des
divergences.
Je fus appelé à livrer bataille près du cap Sounion. La bataille fut
acharnée, et pris dans l’action, je ne me rendis pas compte que
j’allais au-devant de mon destin. J’étais opposé au capitaine sparte
et après quelques passes d’armes, je pus plonger ma lame entre ses
côtes et atteindre son cœur. Me retournant, à la recherche d’un
nouvel adversaire, je ne me rendis pas compte que ma victime, pas
tout à fait morte, avait à son tour plongé son arme dans mon corps.
Déséquilibré, je passais par-dessus bord et m’engouffrais dans les
profondeurs marines. Comme dans mes rêves bien des années avant, je
me noyais. C’est alors, au bord de l’inconscience que j’eus une
vision. La plus belle femme que j’eu vu jusqu’à présent venait de
surgir. Etait-ce Thétis, ou l’une de ses nombreuses sœurs ? Je ne
sais pas. Elle me dit que mon temps n’était pas encore venu et que
je devais retourner à la surface et découvrir la force cachée en mon
cœur pour être digne d’être accueilli au sanctuaire de Poséidon. Je
ne sais comment je regagnais la surface, mais quand je me
réveillais, j’étais à Athènes, à la caserne.
Depuis ce jour, je soumets mon corps et mon esprit à des épreuves
telles que tout autre que moi aurait succombé ou abandonné.
Aujourd’hui, je me sens prêt. Je vais gagner le Cap Sounion et
rejoindre le sanctuaire de Poséidon à la nage. Je n’échouerai pas.
