Son embarcation dérivait depuis quelques jours sur la mer. L’océan s’étendait à perte de vue, sans aucune terre d’accueil visible à l’horizon. Selky était à demi consciente sur la vieille barque qu’elle avait volé dans le grand port d’Ithaque. Cette île était devenue sa patrie et elle avait dû la quitter la mort dans l’âme. Il y avait vingt ans, son père, soldat d’Ithaque, l’avait ramené clandestinement de Lybie. Selky était née d’une nuit d’amour entre le soldat et une esclave lybienne. Malheureusement, sa mère ne l’avait jamais vu grandir. Elle avait été vendue à un marchand d’esclaves égyptien qui l’avait emmenée au pays des Pyramides. Selky fut donc éduquée par son oncle, tavernier du port, et sa tante, tenancière d’une échoppe d’épices. Son père, constamment absent, n’avait pas le temps de l’élever.
*Hooaa… Il faut que je résiste… Je dois rester éveillée ! La tempête se lève… » Songea-t-elle en essayant de se relever. Mais la jeune femme ne pu résister à la fatigue et à la déshydratation que son coprs subissait depuis plus de trois jours. Elle retomba comme un poids mort dans la barque et son passé revint une nouvelle fois hanter ses rêves.
Cirrus, son mari, mort huit mois plutôt dans un naufrage apparut à ses côtés. De son air toujours paternel, il tentait de la rassurer. Il voulait qu’elle retourne à Ithaque.
« Selky ! Réveilles toi ! Fais demi-tour ! Ta famille et la mienne ne te rejetteront pas… Toutes les veuves ne sont pas bannies ! Que vas-tu devenir hors de l’Ile ?
- Je ne peux pas rester Cirrus. Les Ediles me banniront… on me vendra comme esclave et je ne veux pas avoir le même destin que ma mère. Ne me demandes pas ça, pas toi mon amour ! »
Le vent s’était à présent levé et la mer bousculait violemment le frêle esquif. Bientôt, des éclairs zébrèrent le ciel et la tempête déchaîna toute sa puissance.
Les pensées de la jeune femme devinrent plus douloureuses. Etait-ce parce que la mort venait frapper à sa porte ?
L’embarcation se renversa sous l’effet de la houle et le coprs de Selky fut ballottée jusqu’à un proche récif…
Elle ne saurait dire combien de temps elle resta inconsciente, arrosée par les vagues et la pluie.
Le Dieu Hélios finit par reprendre ses droits sur le ciel déchaîné et la tempête s’éteignit aussi soudainement qu’elle était apparue.
La jeune femme ne se réveilla pas pour autant, et ce furent les appels d’une voix inconnue qui réussirent à la tirer des profondeurs de son sommeil.
Selky entrouvrit les yeux et un visage de femme lui apparut. L’inconnue lui sourit et la redressa pour la faire boire. Assoiffée, la naufragée oublia toute retenue et but tout son saoûl, l’eau bienfaitrice lui coulant le long du menton dans son empressement.
Une fois parfaitement réveillée, elle questionna celle qui venait de lui sauver la vie. Qui était-elle ? Où se trouvaient-elles ?
La jeune femme aux cheveux blanc répondit patiemment à toutes ses interrogations, avant de demander à la métisse qui elle était et ce qui l’avait conduit à s’échouer sur les rochers.
C’est alors que pour la première fois depuis longtemps, Selky se confia et lui raconta sa vie. Elles parlèrent des heures entières et au cours de la conversation, Selky apprit l’existence de l’armée du Dieu Poséidon, Empereur des Océans. La jeune femme lui proposa alors une nouvelle vie, à son service.
Qu’avait-elle à perdre ? Plus rien.
Selky accepta sans hésitation.